La nouvelle est lancée, la paroisse Saint-Germain de Charonne aura sa « mission », c’est à dire que pendant 8 jours, 15 jours, des prêttres voués à l’apostolat populaire parcourront la Cité poursuivant sans relâche leur but apostolique.
Nous sommes en 1900, la paroisse compte 72 000 âmes, Saint-Jean Bosco n’existe pas encore, pas plus que Saint-Gabriel.
Les missionnaires diocésains groupés autour de l’abbé de Gibergues (futur évêque de Valence), ne peuvent suffire à la tâche. Des dames, des jeunes filles les aident : il faut porter secours à tant de détresses physiques et morales. Et c’est là que commence, la belle, la très belle histoire de Mademoiselle de Miribel, écoutons-là.
« Noël 1900… la jolie petite église Saint-Germain de Charonne était comble ; la cérémonie terminée les missionnaires avaient fait leurs adieux ; la foule s’écoulait lentement, les derniers sons de cloches tintaient dans la nuit… mon amie, Mademoiselle de Grandchamp et moi restions agenouillées sans pouvoir nous décider à sortir. Il nous semblait impossible de quitter Charonne, d’abandonner cette population si déshéritée, si attachante, qui nous avait spontanément accueillies avec tant de sympathie ; et pourtant nous nous étions engagées pour aller de paroisse en paroisse, au sservice des Missions… Que faire ? nous restions perplexes. Enfin après une prière intense notre résolution fut prise : sans abandonner les Missions nous continuerions à venir à Charonne.
Que les Charonnais étaient donc sympathiques, simples et bons ! on allait chez eux, la clef était sur la porte ; on entrait, les figures s’éclairaient. Vite, une vieille chaise était débarrassée, on s’asseyait et l’on causait.
C’est ainsi que nous n’avons pu quitter ce Charonne que nous aimions déjà tellement et que nous n’avons jamais cessé d’aimer… d’aimer de plus en plus. »
Il est facile de se rendre compte aujourd’hui en parcourant les rues de ce qu’était Charonne au début du siècle : un entassement confus d’ateliers, de terrains vagues, de bals musettes et de taudis. Il y avait aussi des hôtels meublés, comme cet hôtel Brébant de la rue des Orteaux, où « les chaises et les tables étaient solidement attachées de peur que les clients ne les emportent ». Une population où les chômeurs professionnels, les repris de justice et les prostituées étaient nombreux. : malades, gagen
Sans doute trouvait-on aussi dans ces petites maisons basses blotties dans des rues étroites, beaucoup de miséreux en quête d’un gite à bon marché : malades, gagne-petit, vieillards sans ressources. Il y avait aussi le flot des chiffonniers et de leurs entrepôts sordides ; puis celui des ébénistes refluant du Faubourg Saint-Antoine surpeuplé, puis la vague des petits et moyens patrons à la recherche de terrains libres pour y construire ateliers et usines. Mais il y avait surtout des familles ouvrières attirées par ces industries dont l’une, très répandue, était l’épilage des peaux de lapins. Fait à domicile, ce travail était une cause importante de contamination par la tuberculose. Une autre industrie typiquement locale, en raison de la proximité du Père Lachaise, était la confection des couronnes de perles.
Les premiers contacts de Mademoiselle Marie de Miribel avec le quartier furent la visite des pauvres et les leçons de catéchisme aux midinettes, entre midi et deux heures, sur un banc place de la Réunion. Cependant, comme le dira Mademoiselle de Miribel elle-même, « ce banc n’était pas des plus pratiques, combien l’on désirait sans jamais oser l’espérer, avoir un gîte… les souhaits allaient leur train… que ce serait commode, quel bien se réaliserait avec deux modestes pièces. On pourrait réunir les gens, déposer les paquets de vêtements, si lourds parfois ; on pourrait garder les provisions, les remèdes à distribuer, etc… Que de rêves s’échafaudaient autour de ce logis imaginaire. On devait l’attendre bien des années… mais alors, comme toujours à Charonne la réalité dépassa le rêve. »
Très modestement l’Oeuvre débuta dans un petit local, au 9 de la rue de la Croix Saint-Simon, aidée d’amies charitables, Mademoiselle de Miribel ouvrit un Dispensaire bien vite connu de tout le quartier ; puis on alla faire des soins à domicile.
1912Le Dispensaire s’agrandit avec des services techniques complets. La chapelle Saint-Charles se bâtit mais la guerre ralentit la construction de l’édifice.
1918 Création du Dispensaire anti-tuberculeux.
1919 Ouverture d’un jardin d’enfants et l’année suivante de la Crèche Sainte-Amélie, 106 rue de la Réunion.
1929 Création du Service Social.
1933 Appel aux Franciscaines Missionnaires de Marie pour leur confier l’Hôpital récemment construit.
Quelque temps après, fondation de l’Ecole d’Infirmières et d’Assistantes Sociales, et d’un deuxième jardin d’enfants.
1948 La Maternité ouvre ses portes, tandis que depuis 1935 l’annexe de la rue Mouraud ne cesse de prendre de l’extension.
A lire la nomenclature de tant d’activités déployées l’on reste confondu d’admiration pour celle dont la modestie était légendaire. Oubliant qu’elle était la fille du Général de Miribel, premier chef d’état-major de l’armée, elle ne voulut jamais être pour tous que « Madame Marie ».
Elle refusa la croix de guerre pour les quatre années passées au front comme infirmière durant la guerre 14-18, les seules vécues loin de Charonne. Plusieurs propositions pour la Légion d’Honneur devaient rencontrer la même obstination.
Et tandis qu’en cet automne de 1959 elle s’éteignait doucement à la Croix Saint-Simon, Madame Marie (comme Monsieur Vincent), se reprochait… de n’avoir pas fait, et quoi donc ?… davantage !
Le 7 novembre 1959 âgée de 87 ans, Mademoiselle Marie de Miribel entrait dans son éternité. Elle repose dans le petit cimetière de la rue de Bagnolet, à l’ombre de la vieille église, près de ce peuple de Charonne qu’elle aimait tant.